- Jour 4 -
La Chartreuse
Au matin du 4ième jour, l'Ut4M fit la Chartreuse.
Oui, la Chartreuse !
Soyons clairs, il ne s'agit pas de l'élixir des moines de la Grande-Chartreuse dont la recette originale fut élaborée en 1605, ni de la liqueur verte aux 130 plantes dont le degré d'alcool permettait de courir nu dans la neige en plein hiver, mais bien de la dernière étape du challenge 160 qui nous a fait découvrir les merveilleux massifs montagneux qui entourent Grenoble.
En ce matin du 20 août 2016, je me tiens pour la quatrième fois sous l'arche de départ entouré d'une foule de coureuses et de coureurs tous plus colorés les uns que les autres. L'ambiance est encore une fois au rendez-vous et je me sens fin prêt pour cette dernière journée.
Mes talons en revanche, font un peu la tête à cause de deux belles ampoules qui m'ont fait souffrir toute la nuit. En fait je les traîne avec moi depuis la balade dans Belledone et chaque sortie ajoute sa petite part à l'édifice lumineux.
Pour ce 4ième départ, le temps est lourd, ça sent l'orage ! Mais depuis le premiers briefing, nous étions prévenu que la journée du samedi serait certainement agitée.
En attendant, les premiers kilomètres de bitume dans St Nazaire-les-Eymes puis de faut plat dans la campagne, sont un peu compliqués. Malgré le fait que mes jambes soient toujours au rendez-vous après 3 jours de course, j'ai beaucoup de mal à trouver mon souffle. J'ai la foulée lourde et démarre cette journée sur un rythme bien lent. J'ai vraiment le sentiment de me traîner, et pas mal de coureurs me passent devant. A cet instant, l'esprit de compétition, généralement absent de ma tête, m'interpelle quelque peu. C'est ce qui arrive sur une course de plusieurs jours lorsque l'on peut voir l'évolution de son classement. Aller, soyons honnête, je n'ai pas envie de perdre trop de places, mais je me rends compte rapidement que les coureurs du challenge que j'ai l'habitude de côtoyer ces derniers jours, sont là, autour de moi. Nous évoluons au même rythme et en sommes à peu près tous au même point. Ceux qui cavalent sont surtout les coureurs du jour avec un dossard jaune.
« Bon, Bruno, réveille toi ! On est pas là pour se prendre la tête mais pour en profiter un maximum ! »...
Petit à petit, mon souffle reviens alors que nous abordons la pente. Plus nous grimpons dans les sous bois, plus la chaleur s'estompe et la pluie finie par tomber. L'ascension se fait plus légère sur un rythme régulier.
Finalement , après trois jours de course dans les montagnes, le corps s'est habitué et l'effort paraît plus facile. Je comprends l'aisance que peuvent avoir les coureurs qui pratiquent ce type de terrain très régulièrement.
Arrivés en haut, la pluie est bien installée, les nuages limitent notre visibilité et bouchent la vue sur, je l'imagine, ce magnifique massif de Chartreuse. Bon n'exagérons rien, ce n'est pas encore le blizard sibérien car rapidement nous pouvons voir se dresser devant nous le Chamechaude. C'est là que nous allons !!
Mais avant se présente le premier ravitaillement où je recharge un peu les batteries. Un thé chaud, deux ou trois tucs et quelques mots d'humour échangés avec les supers bénévoles et c'est reparti.
Pour ce 4ième jour et les quelques miles mètres de dénivelés que l'on vient de faire, je me sens plutôt en forme. L'esprit de la montagne est en moi et me transporte tranquillement sur les chemins. Il faut préciser que je suis maintenant en mode « biche légère ». Oui, je sais, je n'ai rien d'une biche mais après la technique du chamois du Vercors, c'est celle que j'ai trouvé pour arpenter les pistes plus ou moins à plat avec la sensation grisante du presque « no-effort ». Il ne faut pas se leurrer hein ! C'est dans la tête tout ça !
Le passage vers Chamechaude consiste en une montée et une descente par le même sentier. Lorsque je m'engage dans la montée, nous croisons déjà beaucoup de coureurs qui vont en sens inverse et j'ai la sensation d'avoir pris un peu trop mon temps. J'ai l'impression d'être en queue de peloton. Damned, serait-ce l'esprit de compèt' qui refait surface? Surtout que lorsque je suis à mi-pente, je regarde derrière moi et je vois qu'il n'y a pas grand monde... Ils sont ou les autres ? Hé Ho ! Ce n'est pas très grave tout çan on n'est pas là pour faire un podium mais pour profiter de la montagne, de la pluie et du vent. Et là, je peux vous dire qu'on en profite ! En plus du vent et de la pluie, on ne voit pas très bien et il fait froid. Mais saperlipopette qu'est ce qu'on est bien !! Enfin, surtout maintenant alors que je suis bien au chaud en train d'écrire ces quelques mots et de me remémorer ces superbes moments.
Le passage vers Chamechaude consiste en une montée et une descente par le même sentier. Lorsque je m'engage dans la montée, nous croisons déjà beaucoup de coureurs qui vont en sens inverse et j'ai la sensation d'avoir pris un peu trop mon temps. J'ai l'impression d'être en queue de peloton. Damned, serait-ce l'esprit de compèt' qui refait surface? Surtout que lorsque je suis à mi-pente, je regarde derrière moi et je vois qu'il n'y a pas grand monde... Ils sont ou les autres ? Hé Ho ! Ce n'est pas très grave tout çan on n'est pas là pour faire un podium mais pour profiter de la montagne, de la pluie et du vent. Et là, je peux vous dire qu'on en profite ! En plus du vent et de la pluie, on ne voit pas très bien et il fait froid. Mais saperlipopette qu'est ce qu'on est bien !! Enfin, surtout maintenant alors que je suis bien au chaud en train d'écrire ces quelques mots et de me remémorer ces superbes moments.
Nous ne monterons pas jusqu'au sommet de Chamechaude, il fait trop mauvais. On y jette un coup d’œil dans le vent et la grisaille et on redescend. Belle descente d'ailleurs, rendue par endroits assez technique et glissante à cause de la météo. Arrivés au point de départ de la boucle, nous comprenons qu'une bonne partie des coureurs a été détournée et n'a pas fait l'ascension. Cela explique pourquoi je me sentais un peu seul à l'arrière (qui en fait n'était pas l'arrière mais quelque part au milieu).
Malgré la raideur de mes cuisses, j'accélère un peu, dans cette portion toujours descendante qui va nous mener au Sappey en Chartreuse, où se trouve le prochain ravitaillement à environ 7 ou 8 kilomètres. Mes souvenirs de cette partie sont plutôt boueux et humides et un, particulièrement étrange : je me souviens doubler un concurrent en sandales à la manière des Tarahumaras du Mexique (la vitesse et le désert en moins), dont les pieds presque nus clapotaient dans les flaques...
Après plusieurs courbes et détours aux abords du village qui paraissent parfois interminables, nous arrivons au ravitaillement où l'on peut se poser au sec et au chaud à l'intérieur de 4 murs en dur.
J'ai faim, je me jette sur le fromage et au bout de plusieurs morceaux, ma femme qui m'attendait là, me rappelle qu'il faut peut être que je reparte, histoire de finir la course. C'est quand même agréable de pouvoir profiter des ravitaillements sans avoir un gros nœud dans le ventre.
C'est reparti, direction le col de Vence. La pluie et la grisaille sont toujours là, mais sur la quinzaine de kilomètres qui nous séparent de Grenoble, il ne nous reste que 500m de dénivelés positifs. Une colline en quelque sorte. Vous remarquerez au passage qu'il n'y a pas beaucoup de photos pour cette quatrième étape. Ce n'est pas parce que j'ai couru les yeux fermé. C'est que la vue était assez bouchée et surtout que mon fidèle petit appareil photo était un peu mouillé. Mais aujourd'hui, si je ferme mes yeux, les images sont toujours là. En courant, nos sens sont plus éveillés et là aussi se trouve la magie de la course à pied et du trail en particulier, ces visions et souvenirs inscrits dans notre mémoire, notre cœur...
Bon, il y a encore un peu de route à faire et en chemin il y a le dernier chrono du meilleur grimpeur. J'aime bien ces passages et le côté ludique de la chose. Malgré un départ poussif le matin, j'y pointe, selon les dires d'un des bénévoles, en bonne position. Voilà qui fait plaisir car je me dis (et je le sens) que j'ai bien géré ma course finalement. Je me sens bien, dans la tête et dans les jambes et dans la grimpette je double encore pas mal de concurrents. Tout est relatif, pas mal veut seulement dire 3 ou 4...
Puis nous nous engageons dans les dix derniers kilomètres de descente. Je vais toujours sur un rythme régulier, à la manière d'une biche légère (c'est ce que je crois) mais mon genou gauche commence à me dire que, là, ou bout du 4 jours, ce serait bien de changer d'activité. De la natation par exemple, ou encore mieux, la sieste sportive. Même si ses arguments sont assez convaincants, je l'entends mais ne l'écoute pas trop. C'est pas lui qui décide non plus !!
Ceci dit, je n'arrive pas à accélérer alors que cette longue descente (à un pourcentage raisonnable cette fois) ne demande qu'à être courue à la manière d'un elf bien heureux trottinant joyeusement...
Grenoble apparaît, puis grossit dans la grisaille, à travers les branches. Nous passons par le fort de la Bastille qui surplombe la ville puis empruntons les nombreux lacets qui nous mènent jusqu'au pied du massif et sur les bords de l'Isère. L'arrivée sur le plat et le bitume donne une étrange sensation de lourdeur dans les jambes. De façon hypnotique, je suis la ligne jaune tracée par les organisateurs pour nous guider dans la ville, jusqu'à la ligne d'arrivée.
J'ai les larmes aux yeux. 4 jours, 4 massifs, environ 170km et 11000m de dénivelé. D'aucun dirait que c'est n'importe quoi mais moi j'affirme haut et fort que cette balade a été un vrai régal. Saperlipopette, que c'était bien !! Je crois qu'après une bonne nuit de sommeil, même petite, je serais bien reparti pour une cinquième journée et encore un beau voyage.
Epilogue :
SUPERBE !!!
Ce format de course est vraiment génial. Pouvoir parcourir ces massifs de jour, profiter pleinement de tous ces paysages, c'est magique. Gérer son corps pour pouvoir repartir dans les meilleurs conditions, revoir les camarades de courses chaque jour, même si on ne se connaît pas, si on ne parle pas beaucoup, une sorte de lien se crée.
Courir, dormir, courir, dormir : elle est pas belle la vie pendant 4 jours ? Et c'est encore mieux quand on le partage. Des énormes bisous à ma femme qui elle, a parcouru plus de 550km sur des petites routes de montagne, à se faire peur en croisant des chars de l'armée ou à se lever aussi tôt que moi (pendant les vacances !!) pour aller m'attendre parfois dans le froid, sous la pluie ou au soleil sur une terrasse d'un café perdu dans la montagne...
Et aussi en profiter...
Vivement la prochaine balade.
Un très grand merci à tous les bénévoles, kinés et podologues et à toute l'équipe de l'organisation pour cette superbe idée du challenge 160 Ut4m. La légende est en marche !!
PS : j'ai retrouvé l'homme aux sandales. Vous pouvez lire son récit ici (en anglais) : The sandalization of the Ut4m challenge