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  ...Ut4M Challenge...

 

  Prologue :

  Dimanche soir, veille du départ dans les Alpes, la pression monte. Je vérifie une dernière fois mes affaires, il ne faudrait pas que quelque chose manque pour la course. J'ai tout le matériel obligatoire, même le bonnet et les gants. Il fait pas loin de 30°C, le temps est au beau fixe mais bon, en montagne on ne sait jamais ce qu'il peut se passer.

  En rangeant ma poche à eau « source », je remarque que la valve est bien abîmée. J'essaye et là, c'est le drame : le caoutchouc que l'on sert avec les dents pour aspirer l'eau se coupe en deux. S'en est fini de cette pipette là... Que faire ?!Demain c'est le 15 août ! C'est férié, les magasins sont fermés !!!

Meuh non ! Ça n'existe plus ça ! Il y a une enseigne de sport bien connue qui ouvre ses magasins ce jour là, et heureusement, même à 10h. J'aurai le temps d'y aller avant notre rendez-vous co-voiturage prévu à 11h. La vie est bien faite !

  Dans l'enseigne bleue je trouve une poche à haut « hydrapak ». Ça à l'aire plutôt bien, je prends mais je n'aurai pas vraiment le temps d'essayer avant d'être à Grenoble.

  Nous y arrivons en fin d'après midi. Je ne connaissais pas du tout cette ville et suis agréablement surpris. Il y a comme un côté parisien dans l'architecture du centre ville, j'aime bien. Les avenues et les parcs aussi. Nous avons loué une chambre dans un appart'hotel ce qui nous permet de manger sur place un repas adapté aux efforts d'endurances (mouai!!) et pendant que les pâtes sont sur le feu j'essaye enfin ma nouvelle « gourde ». Il semble que cette nouvelle poche à eau « hydrapak » soit pas mal du tout et je peux dire maintenant que j'aurais raté quelque chose si la précédente n'avait pas rendu l'âme. Me voilà rassuré et de plus en plus confiant.

  Demain ce sera balade tranquille en ville, « déménagement » près de Vif dans une très sympathique chambre d'hôtes et briefing d'avant course.

  En avant pour le challenge...

- Jour 1 -

Le Massif du Taillefer

  Mercredi 17 août, 4h30 du matin. Il est tôt, il fait encore sombre. La nuit a été courte mais cela faisait longtemps que j'attendais ce moment. Je me sens en forme. Nous sommes à Vif, au pieds du Vercors au nord et le massif du Taillefer au sud. C'est dans cette direction que nous allons partir dans quelques minutes.

  J'appréhende un peu la journée. Nous avons 47km à parcourir et plus de 3500m de dénivelé à monter et descendre. Ce n'est pas le plus long, ni le plus haut mais ma dernière course dans la Drôme s'était soldée par un gros coup de mou, une très mauvaise hydratation et un final tout raplapla. Depuis j'ai réfléchi au pourquoi du comment et je pense que je me suis bien préparé, tant sur le plan physique et mental que nutritionnel. Mais, le petit nœud dans le ventre est quand même là, surtout qu'il y aura encore trois autres balades comme celle-là les trois prochains jours. En même temps c'est exactement ça qui m'a attiré, une course par étape qui permet de beaucoup se donner, de se reposer chaque soir et de faire la visite des 4 massifs entourant Grenoble, entièrement de jour...

Sauf ce matin...

  A 5h, comme le dit le bien heureux « speaker », nous entrons dans la légende et nous élançons dans le noir, vers les hauteurs de l'Oisans.

  Pendant une bonne heure, comme d'habitude, je suis hypnotisé par ma frontale. Je suis les coureurs devant moi comme dans une sorte de bulle et finalement arrive assez rapidement au premier ravitaillement. Entre temps il y a eu le premier tronçon du meilleur grimpeur et du meilleur descendeur. C'est assez ludique comme passage et je me suis pris au jeu dans la monté.

  Je suis en avance sur mes prévisions. Je bois un coup, vérifie si j'ai suffisamment d'eau dans mon « camel » et repars. Le jour s'est levé doucement pendant l'ascension vers Laffrey et au sortir du ravito, la vue sur le lac est assez jolie. Elle est même énergisante et je me sens assez en jambe pour continuer vers la commune de La Morte.

  Je me sens tellement bien d'ailleurs que cette portion passe très vite. Le deuxième ravito pointe le bout de son nez avec un peu d'avance sur mon plan de course. Oui je sais, j'ai déjà dis qu'un plan de course en trail reste très aléatoire mais quand on doit s'organiser avec son équipe de soutien, il faut quand même prévoir quelques horaires de passage.

  De ce fait, ma femme n'est pas là. Je lui envois un petit message et me dis que de toute façon je peux attendre sans me mettre une pression stupide (vu que je suis en avance) mais comme les amoureux arrivent toujours à se retrouver quand il faut, elle arrive juste à ce moment là.

Après quelques minutes de pause, un thé et un tuc je reprends la trace en direction du Pas de la Vache : ça va grimper, 900m de D+ nous attendent dans la pente.

  La première partie de cette montée se passe relativement bien, sur un rythme tranquille mais régulier. Le soleil est bien installé dans le ciel, la montagne est belle tout va bien. Dans la deuxième moitié, j'accuse un peu le coup, la pente devient raide et il y en a encore pour un bon 500m... Je ralenti et arrête la musique. Elle me déconcentre et je ressens le besoin de me recentrer justement. Pourtant c'était Sigur Ros, une de mes bandes son préférée. Je n'écouterai plus de musique en courant pendant les trois prochains jours et ni depuis d'ailleurs. Je me suis rendu compte que c'est encore meilleurs d'utiliser ses oreilles pour écouter son environnement en courant et ça permet également de vivre pleinement l'instant présent, de se concentrer sur son corps et sur de la longue distance c'est primordial.

  Finalement j'arrive la-haut tranquillement mais sûrement. La vue est imprenable (et ce ne sera pas la dernière).

  Le vent est frais et souffle fort. Tout en admirant la montagne et le magnifique panorama, j'entame la descente vers le lac de Brouffier que l'on voit en contre-bas. Le sentier est technique mais les sensations sont bonnes. Après le passage devant le lac et la cabane du même nom le chemin plonge dans la côte des Sallères pour rejoindre le GR50 qui va nous mener jusqu'au ravitaillement du Poursollet. Cette première descente raide m'a un peu secoué et arrivé au ravito je me sens légèrement cotonneux. Sensation désagréable que j'ai déjà rencontrée, notamment dans la Drôme. Je m'efforce de manger quelque chose même si mon estomac est noué. Je m'assois, respire un bon coup et rigole avec ma femme, un petit bisou et je repars avant que les idées noires ne prennent le dessus. C'est dans la tête que ça se passe !

Je ne suis pas déshydraté, je n'ai pas le ventre vide, les jambes fonctionnent bien. C'est la montagne quoi ! Pour un coureur des plaines c'est un peu normal d'avoir un coup de mou après s'être levé à trois heure du mat et grimpé à 2400m d'altitude, comme ça, la fleure au fusille et le sourire aux lèvres... Bon je me motive comme je peux et ça marche pas trop mal. Une monté de 400m nous attends, le soleil est bien ancré dans le bleu du ciel et il commence à faire chaud.

  S'il y a bien un truc (parmi d'autre bien sûr) que j'aime dans le trail c'est que tu donnes beaucoup de toi dans la côte, parfois tu te demandes ce que tu fais là, mais quand tu arrives en haut et que, ce qui était caché à ton regard se dévoile enfin, qu'elle sensation de plénitude ! En même temps que ton corps se relâche après l'effort, ton esprit est comme attiré vers le ciel (et ça marche même sous la pluie).

  Sur notre droite, domine le Taillefer (2857m), qui a donné son nom à cette partie du massif et en face de nous, toute une série de petits lacs, le Culasson, le Noir, celui de l'Agneau et de La Veche. Le tracé de la course serpente entre eux puis au bout d'un ou deux kilomètres nous bifurquons vers le nord en direction du chalet de la Barrière.

  Je ne le sais pas encore, mais une partie des coureurs n'empruntera pas cette portion du parcours. Ils ont été déroutés directement vers le chalet de la Barrière à partir du dernier ravitaillement. Un orage est en train de se former autour de nous et l'organisation a préféré jouer la sécurité.

  En voyant les nuages s'amonceler devant moi et en sentant le vent forcir, j'accélère la foulée (ça tombe bien on est comme qui dirait en faux plat descendant) pour rejoindre rapidement le chalet de la Barrière puis le grand plongeon vers Rioupéroux et l'arrivée de cette première étape.

  L'atmosphère électrique et la perspective de la ligne d'arrivée me rendent un peu euphoriques. Je me dis que comme il n'y a plus que de la descente ça va être tranquille et sans souci : j'accélère !Sauf que 1600m de D- sur 5km ça fait quand même une pente dont le pourcentage permet de réfléchir sur la force de gravitation, les muscles des cuisses et les mouvements intestinaux. Au bout d'environ 2 kilomètres je réalise quand même que je vais un peu vite. En réalité c'est mon corps qui le réalise avant ma tête. Les cuisses chauffent et mon estomac commence à dysfonctionner fortement. Je suis pris d'une très grosse nausée et me met à transpirer comme jamais, je perds des seaux de sueur. C'est très impressionnant et je me demande si c'est bien normal. Dans le trail finalement, il y a plein de trucs qui ne paraissent pas normal au bout d'un certain temps...

  Mes jambes sont, malgré la douleur, prises dans l'élan et le fait de vouloir les arrêter demande un gros effort musculaire. Je réussi tant bien que mal à me poser près d'un gros rocher, je souffle et essaye de récupérer un peu d'énergie pour pouvoir descendre les dernières centaines de mètres verticaux qui me séparent de l'arrivée. Je ne pensais pas qu'une descente pouvait me mettre dans cet état. Je peux clairement dire que je me suis liquéfié...

  Il m'aura fallu 9h et 6mn pour parcourir les quelques 47km dans ce beau massif du Taillefer et franchir la ligne d'arrivée qui en fait n'est pas l'arrivée. Le chronomètre s'arrête là, mais il faut encore descendre une bonne centaine de mètres pour trouver le ravitaillement et le réconfort de ma femme. Les organisateurs sont des petits filous...

  Pendant une bonne heure, je n'arrive pas à manger. Je ne fais que boire et me repose assis ou allongé. Ce superbe parcours m'a bien attaqué. Malgré ça, je suis content de l'avoir fait dans les temps que je m'étais fixé et je sais, avec le recul, qu'avec une meilleure gestion de l'effort j'aurais pu aller un peu plus vite et moins souffrir. Mais je me dis surtout que, pour courir à l'aise en montagne, il faut s’entraîner en montagne et particulièrement pour les descentes. En plaine, on trouve toujours un endroit pour s'entraîner aux montées, même longues (moi c'est « hamsterland ») mais pour les descentes, c'est plus difficile. Voilà un point d’entraînement sur lequel je vais réfléchir une fois de retour en Touraine.

 

  En attendant, je suis à Rioupéroux, dans le fond de la vallée, sur les bords de la Romanche. Je regarde avec respect le mur que l'on vient de descendre et en me tournant, regarde de l'autre côté, avec une certaine appréhension, le mur que l'on va gravir demain matin. Un kilomètre vertical droit dans la pente et vu le profil de la montagne, on se demande bien ou peut passer un sentier dans cette forêt suspendue à la roche.

  Il est temps d'aller se reposer, de récupérer de l'énergie, afin d'être dans la meilleur forme possible pour la balade de demain dans le magnifique massif de Belledone.

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